Conférence de Catherine Fondimare, professeur de philosophie
Samedi 20 août à 15h
Bibliothèque Marceau-Esquieu
Entrée gratuite
Où est le sacré ?
Défini par son opposition au profane, le sacré en s’assimilant à certains arts déborde son cadre strictement religieux comme expression de la manifestation dans le visible d’un rapport à une forme de transcendance. Nous nous attacherons à comprendre l’origine de cette manifestation pour chercher à en dessiner les contours.
Le sacré se voit souvent confisqué sous l’égide du religieux comme s’il en épuisait à la fois le sens et la nature. Néanmoins, certaines expressions esthétiques, et en l’occurrence celles de nature musicales auxquelles nous nous intéresserons, sont émancipées voire, pour certaines, totalement étrangères à un message ou à une dimension appartenant à une quelconque forme d’expression religieuse. Elles prétendent ainsi pouvoir donner naissance à un sentiment ou à une réalité qui créerait chez le public un accès à un au-delà du monde de l’expérience prosaïque sans pour autant faire du prosélytisme divin. En désolidarisant la question du sacré de celle du religieux, reste à comprendre ce que devient alors le sens de ce sacré en interrogeant ce qui en serait à l’origine en l’absence de toute croyance préalable. Dans le contexte des croyances, le sacré est le nom donné à l’échappement hors du profane pour intégrer la dimension du spirituel dont le croyant cherche l’accès. Dans ce cas, le sacré n’est que la réalisation sentimentale d’une croyance déjà présente et qui en est alors l’instigatrice. Mais qu’advient-il alors de ce sacré lorsqu’il est totalement désolidarisé de son support religieux ? Y a-t-il encore un sens à le convoquer ou n’est-ce pas en faire un usage abusif ?
C’est ce parti pris que ce festival explore en déportant le sacré du côté d’une esthétique non exclusivement religieuse. Emancipatrice d’un enracinement dans l’ordinaire, la musique se targuerait de pouvoir ouvrir une voie vers le sacré. Néanmoins, par contraste avec ce que nous avons précédemment affirmé concernant l’art du religieux, ici, le sacré ne peut s’adosser à une croyance a priori mais doit de toute pièce être constitué par l’expérience esthétique elle-même. Ainsi, dans le cas des pratiques musicales ou vocales que ce festival explore, le sacré se déploie comme une volonté de faire accéder le spectateur à un univers de sentiments spiritualisés que l’intimité de l’expérience esthétique ferait naître. Le sacré serait alors le nom d’un sentiment à mi-chemin entre le plaisir seulement sensuel lié au corps et celui strictement intellectuel réservé aux seules satisfactions de l’esprit.
Nous comprenons alors que le sacré loin de se proposer comme une évidence pose une série de questions et d’énigmes. Comment regrouper un public de spectateurs hors contexte de ferveur religieuse en situation d’éprouver une expérience de sacralité grâce à des moyens qui ne soient pas inscrits dans un régime de croyance, de conviction spirituelle ou de pratiques rituelles ?
C’est cette gageure que notre interrogation se proposera de comprendre : celle d’ouvrir un monde nouveau en partant de l’expérience ordinaire et en ne se servant que de l’immatérialité de moyens musicaux pour y parvenir. Où est alors ce sacré et à quel régime de réalité nous donne-t- il alors accès ? La programmation de ce festival sera le champ d’investigation à partir quel nous construirons et alimenterons notre propos.